Un yéménite injustement placé en détention risque d’être expulsé
Le demandeur d’asile yéménite Abdul Baqi Saeed Abdo, détenu arbitrairement en Égypte depuis plus de 20 mois, risque d’être expulsé au Yémen, où sa vie serait en danger. Abdul Baqi Saeed Abdo et sa famille ont été contraints de fuir le Yémen pour l’Égypte en 2014, après avoir subi de violentes agressions, en toute impunité, lorsqu’il a annoncé s’être converti au christianisme sur les réseaux sociaux. Les forces de sécurité égyptiennes l’ont arrêté le 15 décembre 2021 et l’ont fait «disparaître» pendant deux semaines, avant de le présenter à un procureur pour interrogatoire, qui a ordonné son placement en détention provisoire dans l’attente d’investigations sur des accusations infondées – «avoir rejoint un groupe terroriste» et «diffamation de la religion islamique». Détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression, de conscience et de conviction, il doit être libéré immédiatement. Toute démarche visant à procéder à son expulsion doit être stoppée.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Abdul Baqi Saeed Abdo a fui le Yémen en août 2014 pour l’Égypte, où il s’est enregistré auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Après avoir annoncé sa conversion au christianisme sur ses comptes de réseaux sociaux en 2013, lui-même et sa famille, qui vivait dans une région rurale en périphérie de Taizz, ont été la cible d'une vague de violentes attaques. Des membres de sa famille ont raconté à Amnesty International qu’Abdul Baqi Saeed Abdo a été licencié de son emploi, a vu sa voiture saccagée, et qu’en juin 2014, sa maison a été incendiée, ce qui a provoqué la mort de son épouse. En août 2014, il a fui le Yémen pour l’Égypte avec ses quatre enfants.
Le 23 juin 2022, l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), qui défend les droits humains, a mis en garde contre l’expulsion imminente d’Abul Baqi Saeed Abdo et a appelé les autorités égyptiennes à renoncer à ce renvoi forcé et à abandonner les charges pesant contre lui. Le 30 juin 2022, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, le rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, le rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités et le rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction ont adressé une lettre aux autorités égyptiennes, dénonçant la détention arbitraire, la disparition forcée et les poursuites iniques dont est victime Abdul Baqi Saeed Abdo.
En Égypte, les minorités religieuses, dont les chrétiens, subissent de graves discriminations dans la législation et la pratique. Depuis 2013, les autorités égyptiennes n’ont pas protégé les chrétien·ne·s contre les attaques interconfessionnelles répétées à leur encontre, menées par des groupes armés qui ciblent leurs communautés, et n’ont pas non plus traduit en justice les responsables présumés de ces violences dans le cadre de procès équitables. Elles n’ont pas non plus assuré la protection des chrétien·ne·s attaqués par des groupes armés dans le nord du Sinaï, ni assuré le retour dans des conditions de sécurité des centaines de chrétien·ne·s déplacés de force de cette région après les violentes attaques de 2017, et ne les ont pas du tout indemnisés pour les biens et les moyens de subsistance qu’ils ont perdus. Des membres de minorités religieuses et des musulman·e·s n’embrassant pas les convictions religieuses autorisées par l’État sont soumis à des détentions arbitraires, à des poursuites et à des incarcérations iniques pour «diffamation de la religion» et d’autres accusations forgées de toutes pièces, tandis que d’autres sont ciblés uniquement parce qu’ils pratiquent leur foi ou défendent les droits des minorités religieuses.
L’Égypte est partie à la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés et à la Convention de l’Union africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ; ces deux traités exigent de cet État qu’il fournisse une protection internationale aux réfugiés et respecte le principe de non-refoulement. D’après un protocole d’accord conclu entre l’Égypte et le HCR en 1954, le HCR est chargé d’enregistrer et de déterminer le statut des réfugiés dans le pays, tandis que les autorités égyptiennes sont tenues d’autoriser les demandeurs d’asile à rencontrer les représentants de cette instance et de respecter ses décisions quant à l’obtention du statut de réfugié. En juin 2023, les médias égyptiens ont évoqué la volonté des autorités d’accélérer l’adoption d’une nouvelle loi sur l’asile. Ce projet de loi n’a pas encore été rendu public, mais des informations laissent à penser qu’en vertu du texte, toutes les personnes demandeuses d’asile et réfugiées dans le pays seront tenues de s’enregistrer auprès des autorités et de régulariser leur situation dans les six mois suivant l’entrée en vigueur des décrets d’application de la loi.
L’Égypte est tenue de ne pas renvoyer des personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de persécution, de torture ou d’autres graves atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment la privation arbitraire de la vie. Le principe de non-refoulement est reconnu comme une norme du droit international coutumier et est inscrit dans les instruments internationaux, notamment la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture), à laquelle l’Égypte est partie.
Passez à l'action
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Modèle de lettre
Monsieur le Ministre,
Je vous écris afin de vous faire part de mon inquiétude concernant la détention arbitraire d’Abdul Baqi Saeed Abdo, demandeur d’asile yéménite âgé de 54 ans incarcéré à la prison d’Al Qanater 1, au nord du Caire, qui risque d’être expulsé. Les forces de sécurité l’ont arrêté chez lui le 21 décembre 2021 et l’ont fait «disparaître» pendant deux semaines, période durant laquelle les autorités ont refusé de donner à sa famille des informations sur le sort qui lui était réservé et l’endroit où il se trouvait. Il a par la suite été traduit devant le service du procureur général de la sûreté de l'État, où un procureur a ordonné son placement en détention provisoire dans l’attente d’investigations sur les accusations dont il fait l’objet – «avoir rejoint un groupe terroriste en toute connaissance de cause» et «diffamation de la religion islamique». Ces accusations sont en lien avec sa conversion au christianisme, au sujet de laquelle il postait régulièrement des publications sur ses comptes de réseaux sociaux depuis qu’il avait fui le Yémen pour l’Égypte en 2014. Depuis son arrestation en décembre 2021, sa détention provisoire a été prolongée sans qu’il n'ait eu réellement la possibilité de contester la légalité de sa détention.
En juillet 2022, les autorités égyptiennes ont émis un arrêté d’expulsion visant Abdul Baqi Saeed Abdo. S'il est renvoyé de force au Yémen, il risque d’être arrêté arbitrairement et de subir actes de torture et mauvais traitements, voire d’être tué, s’il est condamné à la peine de mort ou assassiné par des groupes armés et des agents non-étatiques. Selon l’article 259 du Décret pour la Loi n° 12 de 1994 de la République du Yémen, concernant les crimes et les sanctions, «toute personne qui tourne le dos à la religion de l'islam ou la dénonce est condamnée à la peine de mort après avoir été interrogée trois fois pour se repentir et à l’issue d’un répit de 30 jours. L’apostasie en public par des paroles ou des actes est considérée comme contraire aux principes de l’islam et de ses piliers dans l’intention et la détermination. Si l’intention ou la détermination n’est pas établie et que le coupable fait preuve de repentir, il n’y aura pas de sanction.» Au regard de ces dispositions, et des menaces dont il a été la cible lorsqu’il était au Yémen, Amnesty International conclut que la vie d’Abdul Baqi Saeed Abdo sera en péril s’il est expulsé vers le Yémen.
Je vous prie de libérer immédiatement Abdul Baqi Saeed Abdo, car sa détention est uniquement liée à l’exercice de ses droits à la liberté d’expression, de conscience et de conviction, et d’abandonner tout projet visant à l’expulser vers le Yémen, où il risquerait fort d’être persécuté. Dans l’attente de sa libération, je vous engage à veiller à ce qu’il bénéficie de conditions de détention conformes aux normes internationales relatives au traitement des détenus, et à ce qu’il puisse régulièrement communiquer avec sa famille, ses avocats et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de ma haute considération.
Appels à
Ministre de l’Intérieur Mahmoud Tawfiq
Ministry of Interior,
25 El Sheikh Rihan Street,
Bab al-Louk,
Cairo,
Égypte
Fax: + 202 2794 5529
E-mail: center@iscmi.gov.eg ; E.HumanRightsSector@moi.gov.eg
Twitter: @moiegy
Cible supplémentaire
President Abdel Fattah al-Sisi
Office of the President
Al Ittihadia Palace
Cairo, Arab Republic of Egypt
Fax +202 2391 1441
Email: p.spokesman@op.gov.eg
Twitter: @AlsisiOfficial
Copies à
Ambassade de la République Arabe d'Egypte
Elfenauweg 61,
3006 Berne
Fax: 031 352 06 25
E-mail: eg.emb.bern@gmail.com ; (embassy.bern@mfa.gov.eg)
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Nous ne craignons aucune conséquence en Suisse pour les militant-es des Actions urgentes. Cependant, il peut être judicieux de ne pas écrire une lettre si vous avez l'intention de voyager dans le pays (ou d'y avoir de la famille). Cela vaut surtout pour les pays «problématiques» et répressifs. (Russie, Turquie, Chine, ...)