Des milliers de personnes risquent une expulsion forcée
Des milliers de personnes risquent d’être expulsées de leur domicile et de leur ferme pour faire place à la mine de cuivre de Letpadaung, dans le centre du pays.
Le 24 mars 2015, le bureau du président du Myanmar a annoncé que l’évaluation de l’impact environnemental et social du projet minier à Letpadaung, dans la division de Sagaing (centre du pays), avait été approuvée. La compagnie minière Myanmar Wanbao risque fortement de s’emparer du terrain concerné et d’expulser de force 196 familles qui refusent de partir, ainsi que des milliers de villageois dont les terres n’ont pas encore été accaparées par cette entreprise. Myanmar Wanbao est une filiale de la société chinoise Wanbao Mining.
Le projet Letpadaung implique l’acquisition de 6 785 hectares de terrain, pour la plupart agricoles, dans 30 villages, ce qui signifie que la totalité des habitants de Zeedaw, Saedee, Kandaw et Wet Hme doivent être relogés. Entre 2011 et 2014, les autorités du Myanmar et la compagnie Myanmar Wanbao ont chassé des gens de chez eux en dehors de toute procédure régulière : les personnes concernées n’ont pas été consultées et n’ont pu exercer aucun recours juridique. Elles n’ont donc pas pu obtenir un nouveau logement et une indemnisation. Myanmar Wanbao s’est emparé de plus de la moitié de la surface de terrain nécessaire pour le projet, et 245 familles des villages cités plus haut ont été réinstallées ailleurs. Quelque 196 familles et bon nombre d’habitants de la trentaine de villages concernés refusent de partir et de quitter leurs terres. Ces personnes risquent d’être expulsées de force.
Le 22 décembre 2014, Myanmar Wanbao a envoyé des agents détruire les cultures à coup de bulldozer et installer des clôtures autour d’autres terrains près du village de Saedee après avoir annoncé que le chantier était étendu. Elle s’est interrompue deux jours plus tard en raison de manifestations de grande ampleur visant à dénoncer l’utilisation d’armes à feu et de balles réelles par la police lors d’un affrontement avec des habitants de la région qui avaient essayé de bloquer les bulldozers. Des policiers ont tué Daw Khin Win, agricultrice, et blessé quelques autres personnes. Poursuivre l’installation de clôtures sans répondre aux craintes de la population pourrait entraîner de nouveaux affrontements entre les habitants et la police.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Le projet Monywa concerne l’exploitation d’importantes ressources de cuivre dans le district de Monywa, dans le centre du Myanmar. Il comprend la mine de Sabetaung et Kyisintaung (S&K), opérationnelle depuis les années 1980, et la mine de Letpadaung, en cours de construction. Entre 2010 et 2011, le projet a été repris par The Union of Myanmar Economic Holdings Limited (UMEHL), consortium d’entreprises appartenant à l’armée, et Wanbao Mining Ltd, compagnie minière chinoise et filiale de China North Industries Corporation (NORINCO). Le processus d’acquisition de terres pour la mine de Letpadaung bafoue de façon flagrante les normes internationales sur les droits à un logement convenable et à la nourriture. Les autorités du pays ont délibérément menti à la population à propos des expulsions dues à ce projet. Des villageois ont confié à plusieurs organisation, dont Amnesty International, Justice Trust et le Réseau d’avocats du Myanmar, qu’en décembre 2010, les autorités locales les avaient informés que les machines nécessaires pour la mine seraient acheminées à travers leurs champs et qu’ils recevraient une indemnisation pour les cultures endommagées. Personne ne leur a parlé d’expropriation ou d’expulsion. Les villageois n’ont compris ce qu’il se passait qu’en 2011, lorsque Myanmar Wanbao a commencé à construire sur leurs terres. Les autorités ont également invoqué des dispositions du code de procédure pénale pour empêcher ces personnes d’accéder aux terrains qui leur ont été volés. Selon une étude menée par l’UMEHL et les autorités locales, 16 694 personnes (soit 3 138 familles) sont durement touchées par l’acquisition de terres pour le projet minier. Le gouvernement a créé la Commission d’enquête de Letpadaung, qui s’est penchée sur les conséquences sociales et environnementales de cette mine, et qui a confirmé dans un rapport de 2013 que les autorités n’avaient pas expliqué clairement la situation à la population. Elle a également découvert que les nouveaux logements proposés par Myanmar Wanbao étaient d’une qualité inférieure à celle des anciennes maisons des familles concernées et ne permettaient pas à ces personnes de garder leur bétail. En 2013 et 2014, des consultations relatives au projet Letpadaung ont été menées auprès des villageois par des équipes désignées par Myanmar Wanbao, ainsi que par un cabinet de conseil externe. Ces initiatives manquaient totalement de rigueur et les villageois qui refusaient d’être réinstallés ailleurs ont été officiellement exclus du processus de consultation sur ordre du gouvernement. Après la publication du rapport de la Commission d’enquête de Letpadaung et les manifestations de la population, Myanmar Wanbao a proposé de nouvelles formes de réparation. Néanmoins, l’entreprise n’a pas fait le nécessaire pour remplacer la perte des moyens de subsistance des familles concernées, ce qui représente un problème à long terme. À plusieurs reprises, les autorités du Myanmar ont réagi avec une force excessive face aux personnes qui défilaient pour protester contre la mine de Letpadaung. Le 29 novembre 2012, la police a agressé brutalement des moines et des villageois qui manifestaient pacifiquement, en leur lançant des munitions au phosphore blanc. Cette attaque a été ordonnée par Myanmar Wanbao. Depuis le lancement du projet Letpadaung, le gouvernement du Myanmar a promulgué de nouvelles lois relatives à l’acquisition de terres. Néanmoins, les réformes ne vont pas assez loin et le cadre juridique n’est pas assez rigoureux pour protéger la population de violences liées à l’acquisition de terres à des fins commerciales. Pour en savoir plus, consultez le rapport d’Amnesty International Open for business? Corporate crime and abuses at Myanmar copper mine: briefing (https://www.amnesty.org/en/documents/asa16/0004/2015/my).
Personnes concernées : Daw Khin Win (f) et familles risquant l’expulsion