Des témoins d’un homicide jugés
Dix-sept personnes, dont la défenseure des droits humains Azza Soliman, sont en cours de jugement après avoir témoigné à propos de l’homicide d’une militante pacifique lors d’un rassemblement dispersé par les forces de sécurité. La première audience de leur procès aura lieu le 9 mai. Elles risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Dix-sept personnes se sont présentées comme témoins de l’homicide de Shaima Al Sabbagh, 32 ans, abattue le 24 janvier 2015 lors d’un défilé pacifique dans le centre du Caire en hommage aux morts de la «Révolution du 25 janvier». Six d’entre elles ont été arrêtées le même jour. Les 17 témoins ont été accusés d’avoir manifesté sans autorisation, ce qui constitue une infraction en vertu de la Loi égyptienne relative aux manifestations, considérée comme répressive. Ils risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
Leur procès devait commencer le 4 avril dernier devant le tribunal correctionnel d’Abdeen, au Caire, mais le juge a repoussé l’audience au 9 mai pour laisser aux avocats le temps de préparer leur défense. Ces derniers ont confié à Amnesty International que le ministère public leur avait refusé l’accès au dossier. Leurs clients sont accusés de charges fondés sur des motifs fallacieux après avoir témoigné contre les forces de sécurité, ce qui montre clairement que les autorités cherchent à cacher leurs propres crimes.
Azza Soliman, fondatrice de l’ONG Centre d’assistance juridique aux Égyptiennes, s’est présentée pour témoigner le 24 janvier mais elle a été accusée d’avoir manifesté illégalement et troublé l’ordre public. Cette femme n’a pourtant pas participé au rassemblement commémoratif organisé par le Parti de l’Alliance populaire socialiste la veille de l’hommage à la «Révolution du 25 janvier». Elle se trouvait dans un café avec sa famille et des amis lorsqu’elle a entendu les gens défiler. Elle est alors sortie du café et a vu les forces de sécurité chasser les gens en employant du gaz lacrymogène et des fusils. Elle a aussi vu le corps d’une femme dans la rue, qui était celui de Shaima al Sabbagh comme elle l’a appris plus tard. Deux autres témoins ne faisaient pas partie des manifestants. L’un d’eux est un médecin qui a apporté les premiers secours à Shaima al Sabbagh, le second est un passant qui a porté cette femme jusque dans un café voisin pour la mettre en sécurité. Ces deux hommes ont été arrêtés sur place. Parmi les 14 autres témoins, qui ont participé au défilé, certains ont été appréhendés sur les lieux et d’autres ont été convoqués au bureau du procureur, où ils ont raconté la scène à laquelle ils avaient assisté. Un homme a été accusé d’avoir tué Shaima al Sabbagh après avoir apporté son témoignage. Lorsqu’aucun élément n’a pu être retenu contre lui, il a été accusé d’avoir manifesté illégalement et troublé l’ordre public.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Shaima al Sabbagh, 32 ans, a été abattue le 24 janvier 2015 lors d’une manifestation dans le centre du Caire dispersée par les forces de sécurité. Des images de cette femme blessée, prises par des journalistes et des militants, ont suscité la colère de la population en Égypte et ailleurs. En vertu de la Loi relative aux manifestations, jugée répressive, il est interdit de manifester sans autorisation.
Shaima al Sabbagh participait au défilé commémoratif vers la place Tahrir organisé par l’Alliance populaire socialiste, un parti de gauche. Une trentaine de manifestants portaient une banderole avec le nom du parti, ainsi que des fleurs à déposer en hommage aux centaines de personnes qui ont trouvé la mort pendant le soulèvement en 2011. Ils marchaient sur le trottoir pour éviter de gêner la circulation.
Un témoin a confié à Amnesty International que les forces de sécurité à l’entrée de la place Tahrir avaient bloqué les manifestants dans la rue Talaat Harb voisine, avant d’ouvrir le feu et de leur lancer du gaz lacrymogène.
Le directeur de l’Agence médicolégale égyptienne a déclaré que Shaima al Sabbagh avait succombé à ses blessures, provoquées par des plombs de fusil qui l’ont touchée au dos et à l’arrière de la tête à une distance de huit mètres. Si les autorités ont d’abord nié la responsabilité des forces de sécurité, le ministère public a depuis accusé un agent de sécurité de «coups, blessures ou administration de substances dangereuses ayant provoqué la mort» de cette femme.
Azza Soliman s’est rendue au bureau du procureur pour apporter son témoignage de cet événement, en même temps que d’autres personnes. Elle a expliqué à Amnesty International que le procureur qui les a interrogés avait fini par les accuser d’avoir manifesté sans autorisation et attaqué les forces de sécurité.
Noms : Azza Soliman, Nagwa Abbas, Maher Shaker, Mostafa Abdelaal, Sayed Abu el Ela, Elhami el Merghany, Adel el Meleegy, Mohamed Ahmed Mahmoud, Zohdy el Shamy, Ahmed Fathy Nasr, Talaat Fahmy, Taha Tantawi, Abdel Hameed Mostafa Nada, Mohamed Saleh Fathy, Hossam Nasr, Mohamed Saleh et Khaled Mostafa