Des journalistes acquittés et libérés
Le 10 novembre dernier, les journalistes gambiens Musa Sheriff et Sainey M.K Marenah ont été libérés après avoir été acquittés des deux chefs d’inculpation de «publication de fausses informations en vue d’effrayer et d’alarmer la population» et de «conspiration en vue de commettre un crime». Leur procès durait depuis plus de 10 mois.
Le juge du tribunal de première instance de Banjul, en Gambie, a conclu que «le ministère public [n’avait] pas démontré l’existence d’éléments constitutifs des deux charges retenues» et décidé de l’acquittement et de la libération de Musa Sheriff et Sainey M.K Marenah. Ce jugement met fin à un procès de 10 mois qui a causé le désarroi des deux hommes et de leurs familles.
Après l’annonce de cette décision, tous deux ont annoncé qu’ils poursuivraient leurs activités journalistiques et exprimé leur reconnaissance envers tous ceux qui les ont soutenus.
Sainey M.K. Marenah a déclaré : «Je n’ai pas les mots pour dire ce que je ressens, mais je suis heureux. Je rentre chez moi en homme libre. Je remercie vivement Amnesty International et ses partenaires internationaux pour leur soutien. Leur campagne appelant à notre libération et à l’abandon des charges pesant sur nous a vraiment porté ses fruits.»
Aucune action complémentaire n’est requise de la part des membres du réseau Actions urgentes. Un grand merci à tous ceux qui ont envoyé des appels.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Musa Sheriff et Sainey M. K. Marenah ont été arrêtés le 13 janvier 2014 à Serekunda, après la parution d’un article dans le journal gambien The Voice le 9 décembre 2013. Cet article traitait de la défection de jeunes militants de l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotiques (APRC), le parti au pouvoir, au profit du Parti démocratique unifié, formation politique d’opposition. L’APRC a contesté ces propos et The Voice a alors exercé son droit de réponse.
En Gambie, les journalistes, les défenseurs des droits humains et les opposants politiques sont régulièrement victimes de violations des droits fondamentaux, notamment d’arrestations et de placements en détention illégaux, de torture, de procès iniques, de harcèlement, d’agressions et de menaces de mort, ce qui rend leur travail extrêmement difficile.
En juillet 2013, le gouvernement a promulgué une loi visant à limiter la liberté d’expression sur Internet, l’un des derniers espaces publics où pouvaient encore s’exprimer les opinions dissidentes. La loi de 2013 portant modification de la Loi sur l’information et la communication prévoit des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement et de lourdes amendes à l’encontre des internautes qui critiquent les représentants du gouvernement. Elle vise les personnes qui diffusent de «fausses informations» sur le gouvernement ou ses représentants, dessinent des caricatures ou critiquent publiquement des hauts fonctionnaires, et incitent à l’expression du mécontentement et à la violence envers le gouvernement.
Trois mois auparavant, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la loi de 2013 modifiant le code pénal – également connue sous le nom de «Loi principale» – qui élargit les définitions des infractions et prévoit des peines plus sévères pour les troubles à l’ordre public – comme «proférer des propos injurieux» ou «chanter des chansons injurieuses» – et la communication de fausses informations à un fonctionnaire. En outre, elle brime la liberté des gens à choisir leurs vêtements. La Loi principale comporte des définitions vagues, ce qui laisse une marge importante d’interprétation et d’application incompatible avec le droit international relatif aux droits humains.
Noms : Musa Sheriff et Sainey M. K. Marenah