La liberté d’expression en danger
Le droit à la liberté d’expression des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) à Saint-Pétersbourg, en Russie, pourrait être gravement restreint en cas d’adoption d’un nouveau projet de loi. Une troisième audience consacrée à l’examen de ce texte doit avoir lieu dans les prochains jours devant l’Assemblée législative de la ville.
Ce projet de loi prévoit d’imposer des amendes pour « les actions publiques visant à faire la propagande auprès de mineurs de la sodomie, du lesbianisme, de la bisexualité et du transgenrisme » ; s’il est accepté à l’issue de cette audience, le gouverneur de Saint-Pétersbourg le promulguera. Une telle loi aurait des conséquences néfastes sur la liberté d’expression et de réunion des LGBTI et empêcherait les jeunes LGBTI d’obtenir ou de partager des informations essentielles pour leur santé et leur bien-être, notamment au sujet des groupes sociaux, des réseaux de soutien et de la santé sexuelle et reproductive. Elle restreindrait aussi fortement les activités des organisations de défense des droits des LGBTI à Saint-Pétersbourg.
Ce texte bafoue le droit à la liberté d’expression et de réunion, ainsi que celui à la non-discrimination et à l’égalité devant la loi. Ces droits sont garantis par des traités internationaux relatifs aux droits humains, auxquels la Russie est partie, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle bafoue également la Constitution de la Russie, qui prohibe toute discrimination et garantit le droit à la liberté d’expression. Si ce projet de loi est adopté, il inscrira dans le droit la discrimination à l’encontre des LGBTI, déjà répandue en Russie ; il perpétuera également l’opinion selon laquelle ces personnes ne méritent pas la même protection de leurs droits humains que leurs amis, membres de leurs familles et collègues hétérosexuels, et contribuera à un climat d’hostilité et de violence envers cette population.
COMPLÉMENT D’INFORMATIONS
Le projet de loi a été présenté pour la première fois en novembre 2011 mais d’autres audiences prévues ont alors été repoussées.
S’il est accepté, ce texte interdira « les actions publiques visant à faire la propagande auprès de mineurs de la sodomie, du lesbianisme, de la bisexualité et du transgenrisme », qui seront alors passibles d’une amende allant jusquà 126 euros pour les citoyens, 1 260 euros pour les responsables et entre 6 300 et 12 600 euros pour les entités juridiques.
Il prohibera également toute « propagande de la pédophilie auprès des mineurs ». Pendant l’audience, l’auteur du projet de loi, Vitaly Milonov, membre de l’Assemblée législative représentant le parti au pouvoir, Russie unie, aurait mis sur le même plan l’homosexualité, la pédophilie et la consommation de drogues, et a accusé les opposants de ce texte de se moquer du bien-être des enfants. Ce projet de loi fait ainsi le lien entre les violences sexuelles infligées aux mineurs et les activités sexuelles privées et l’expression de genre. Il va sans dire que ces deux questions n’ont aucun rapport l’une avec l’autre. Les normes en matière de droits humains reconnaissent le droit des États à réglementer toute activité sexuelle qui empièterait sur les droits des autres, ce qui n’est pas le cas des activités sexuelles consensuelles et privées entre personnes du même sexe et l’identité et l’expression de genre.
Des lois similaires ont été adoptées dans les régions de Riazan et d’Arkhangelsk, en Russie ; d’autres auraient été proposées à Moscou et à Novossibirsk. D’autres régions pourraient suivre ce mauvais exemple.
La communauté LGBTI de Saint-Pétersbourg est animée et active. Si ce projet de loi est adopté, les activités de cette population et des organisations défendant ses droits seront fortement restreintes. Il est essentiel d’empêcher ce texte d’être promulgué à Saint-Pétersbourg afin d’inciter les autorités régionales et nationales à reconsidérer l’introduction de ce type de loi.
Pendant la deuxième audience consacrée à l’examen de ce projet, le 8 février dernier, cinq militants manifestant devant le parlement de la ville ont été interpellés et maintenus en détention pendant sept heures. Ils ont depuis été inculpés pour manifestation illégale et résistance à la police.