Un projet de loi anti-LGBTI adopté à l’issue de la dernière lecture
Un projet de loi qui restreindrait fortement le droit à la liberté d’expression des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) à Saint-Pétersbourg, en Russie, a été adopté le 29 février dernier à l’issue de la dernière lecture. Le gouverneur de Saint-Pétersbourg doit le promulguer dans moins de deux semaines.
Un projet de loi prévoyant d’imposer des amendes pour « les actions publiques visant à faire la propagande auprès de mineurs de la sodomie, du lesbianisme, de la bisexualité et du transgenrisme » a été adopté le 29 février 2012 à l’issue de la troisième et dernière lecture. Ce texte avait été présenté pour la première fois en novembre dernier. S’il est promulgué par le gouverneur, il aura des conséquences néfastes sur la liberté d’expression et de réunion des LGBTI et empêchera les jeunes LGBTI d’obtenir ou de partager des informations essentielles pour leur santé et leur bien-être, notamment au sujet des groupes sociaux, des réseaux de soutien et de la santé sexuelle et reproductive. Il restreindra aussi fortement les activités des organisations de défense des droits des LGBTI à Saint-Pétersbourg.
Ce projet de loi bafoue le droit à la liberté d’expression et de réunion, ainsi que celui à la non-discrimination et à l’égalité devant la loi. Ces droits sont garantis par des traités internationaux relatifs aux droits humains, auxquels la Russie est partie, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il bafoue également la Constitution de la Russie, qui prohibe toute discrimination et garantit le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Ce texte inscrira dans le droit la discrimination à l’encontre des LGBTI, déjà répandue en Russie ; il perpétuera également l’opinion selon laquelle ces personnes ne méritent pas la même protection de leurs droits humains que leurs amis, membres de leurs familles et collègues hétérosexuels, et contribuera à un climat d’hostilité et de violence envers cette population.
COMPLÉMENT D’INFORMATIONS
S’il est accepté, ce texte interdira « les actions publiques visant à faire la propagande auprès de mineurs de la sodomie, du lesbianisme, de la bisexualité et du transgenrisme », qui seront alors passibles d’une amende allant jusqu’à 126 euros pour les citoyens, 1 260 euros pour les responsables et entre 6 300 et 12 600 euros pour les entités juridiques.
Il prohibera également toute « propagande de la pédophilie auprès des mineurs ». Pendant l’une des audiences, l’auteur du projet de loi, Vitaly Milonov, membre de l’Assemblée législative représentant le parti au pouvoir, Russie unie, aurait mis sur le même plan l’homosexualité, la pédophilie et la consommation de drogues, et a accusé les opposants de ce texte de se moquer du bien-être des enfants. Ce projet de loi fait ainsi le lien entre les violences sexuelles infligées aux mineurs et les activités sexuelles privées et l’expression de genre. Il va sans dire que ces deux questions n’ont aucun rapport l’une avec l’autre. Les normes en matière de droits humains reconnaissent le droit des États à réglementer toute activité sexuelle qui empièterait sur les droits des autres, ce qui n’est pas le cas des activités sexuelles consensuelles et privées entre personnes du même sexe et l’identité et l’expression de genre.
Le 24 février dernier, lors d’audiences publiques consacrées à l’examen du projet de loi, un document intitulé « Statistiques sur l’homosexualité » a été distribué ; il contenait plusieurs parties, dont « Les homosexuels propagent des maladies », « Les homosexuels vivent dans la perversion » et « Les homosexuels commettent de nombreux crimes ». Plusieurs intervenants ont appelé au traitement forcé ou au placement à l’isolement des LGBTI. Cela fait suite à des commentaires émis par plusieurs membres de l’Assemblée législative de Saint-Pétersbourg pendant et après la première lecture du projet de loi, le 16 novembre dernier ; ceux-ci avaient réclamé l’interdiction des sites internet des organisations défendant les LGBTI et demandé que le mot « arc-en-ciel » et que les images d’arcs-en-ciel soient considérés par la loi comme de la propagande en faveur de l’homosexualité.
Des lois similaires ont été adoptées dans les régions de Riazan et d’Arkhangelsk, en Russie ; d’autres auraient été proposées à Moscou et à Novossibirsk. La région de Kostroma a adopté un texte semblable à l’issue de la seconde lecture en novembre dernier. D’autres régions pourraient suivre ce mauvais exemple.
La communauté LGBTI de Saint-Pétersbourg est animée et active. Si ce projet de loi est adopté, les activités de cette population et des organisations défendant ses droits seront fortement restreintes. Il est essentiel d’empêcher ce texte d’être promulgué à Saint-Pétersbourg afin d’inciter les autorités régionales et nationales à reconsidérer l’introduction de ce type de loi.
Pendant la deuxième audience consacrée à l’examen de ce projet, le 8 février dernier, cinq militants manifestant devant le parlement de la ville ont été interpellés et maintenus en détention pendant sept heures. Ils ont depuis été accusés d’avoir violé la loi lors de manifestations et de rassemblements publics.