Un homme risque l’exécution malgré les défaillances de son procès
Gregory Wilson, un Afro-Américain de 53 ans, doit être exécuté au pénitencier de l’État du Kentucky le 16 septembre, après avoir passé plus de vingt ans dans le couloir de la mort.
D’après le dossier d’accusation, le 29 mai 1987, Gregory Wilson – alors âgé de 30 ans – et Brenda Humphrey – une femme blanche de 34 ans – ont enlevé sous la menace d’un couteau une femme de 36 ans, Deborah Pooley, devant le restaurant où elle travaillait. Celle-ci a été contrainte à monter dans sa voiture, avant d’être violée et tuée. Son corps a été abandonné dans une zone boisée du centre de l’Indiana, un État voisin du Kentucky. Gregory Wilson et Brenda Humphrey ont été jugés ensemble en 1998 et le ministère public a requis la peine de mort contre ces deux personnes. Gregory Wilson a été condamné à mort et Brenda Humphrey à une peine de réclusion à perpétuité.
Le premier avocat commis d’office pour représenter Gregory Wilson s’est retiré fin 1987. Un autre a été désigné, mais il a abandonné l’affaire au milieu de l’année 1988. Le juge de première instance a alors affiché une annonce à l’entrée de la salle d’audience afin de recruter des avocats de la défense. Deux avocats se sont portés volontaires mais ils n’étaient, semble-t-il, pas suffisamment qualifiés pour représenter une personne passible de la peine capitale (l’un d’entre eux n’avait même jamais plaidé d’affaire criminelle). Ayant eu connaissance de leur apparente inexpérience dans ce domaine, Gregory Wilson a tenté de leur faire retirer l’affaire et d’obtenir la désignation d’autres avocats. Une audience a eu lieu, à l’issue de laquelle le juge a décidé qu’il n’examinerait aucun élément concernant l’expérience professionnelle du juriste volontaire qui devait être l’avocat principal, pas même les allégations de négligence et de comportement contraire à la déontologie.
Lors du procès, Gregory Wilson a réaffirmé qu’il ne faisait pas confiance à ses avocats, ce à quoi le juge a répondu qu’il avait le droit de se représenter lui-même. Gregory Wilson a déclaré qu’il ne savait pas comment mais a ajouté : « [les avocats] ne me représentent pas ». Par conséquent, le juge a estimé qu’il avait choisi de se représenter lui-même et Gregory Wilson lui a indiqué qu’il le faisait uniquement parce que les avocats commis à sa défense n’étaient pas compétents. Le procès s’est poursuivi et un seul témoin à décharge a été cité : il s’agissait de la co-accusée, Brenda Humphrey, qui a affirmé que Wilson avait étranglé la victime. La sœur de Brenda Humphrey, qui avait apparemment déclaré à la police que celle-ci avait reconnu l’homicide de Deborah Pooley, n’a pas été appelée. Par ailleurs, les principaux témoins à charge n’ont pas été soumis à un contre-interrogatoire.
Le 2 septembre 2010, un juge a rejeté deux requêtes demandant un sursis à l’exécution. L’une invoquait le « retard mental » de Gregory Wilson, motif rendant son exécution anticonstitutionnelle. Le juge a pris note du fait qu’un « léger retard » avait été décelé chez l’accusé à l’âge de 14 ans – son QI avait été évalué à 62 – mais il a rejeté la requête en question sans y consacrer une audience. Il n’a pas non plus donné suite à une demande de tests ADN relatifs aux éléments de preuve retrouvés sur les lieux du crime.
INFORMATIONS GÉNÉRALES
Comme dans tous les cas d’infraction pénale, le droit international accorde aux personnes inculpées d’un crime passible de la peine capitale le droit d’être représentées par un avocat de leur choix au procès et en appel. Si cet avocat est commis d’office, l’accusé ne dispose pas d’un droit absolu de le choisir. Cependant, le Comité des droits de l’homme des Nations unies, l’organe spécialisé créé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques afin de superviser la mise en œuvre de ce traité, a indiqué que les accusés passibles de la peine de mort devaient être représentés par l’avocat de leur choix, même si cela nécessitait la suspension de la procédure. Dans l’affaire de Gregory Wilson, les cours d’appel ont rejeté l’argument selon lequel la renonciation à son droit d’être représenté par un avocat n’était pas valable puisqu’il avait été contraint à choisir entre se représenter lui-même et être défendu par des avocats, semble-t-il, incompétents. En 2008, la cour d’appel du sixième circuit a statué que « les accusés indigents n’[avaient] pas le droit de choisir leur avocat ». Elle a ajouté : « Dans la mesure où [les deux avocats] n’ont pas agi lors du procès, M. Wilson a simplement subi les conséquences de sa décision de [se représenter lui-même]. »
Une autre question a été soulevée en appel : celle de la relation entre Brenda Humphrey et l’un des autres juges présents dans la salle d’audience au moment du procès. Selon des informations qui se sont fait jour en 2001, ces deux personnes avaient une liaison depuis 1985. À l’époque, Brenda Humphrey avait appelé le juge en question après son arrestation dans le cadre du meurtre de Deborah Pooley et avait continué à le rencontrer tous les jours à son cabinet, après chacune des audiences du procès de 1988. En 2002, le procureur a admis avoir vu une lettre envoyée par le juge à Brenda Humphrey après l’arrestation de celle-ci, en 1987. Le juge y disait, en substance, que tout allait s’arranger. Le procureur a reconnu que le contenu de la lettre était inhabituel. Pourtant, il a affirmé que cela ne l’avait pas amené à penser que l’accusée et le juge entretenaient une relation intime. En 2008, dans sa décision confirmant la peine de mort prononcée contre Gregory Wilson, la cour d’appel du sixième circuit a statué que le fait que le procureur n’ait pas révélé l’existence d’une correspondance entre le juge et Brenda Humphrey n’avait pas porté préjudice à Gregory Wilson car cela ne l’avait pas privé de la possibilité de remettre en question la crédibilité de sa co-accusée. Elle a estimé : « Wilson avait amplement la possibilité de soumettre [Brenda] Humphrey à un contre-interrogatoire sans avoir connaissance de cette liaison et cela était de son ressort. [Brenda] Humphrey risquait la peine de mort et a tenté de minimiser son rôle dans les crimes en question en rejetant la responsabilité du meurtre sur [Gregory] Wilson. On a proposé à [Gregory] Wilson de procéder au contre-interrogatoire de [Brenda] Humphrey mais il a refusé. »
Depuis la reprise des exécutions judiciaires aux États-Unis en 1977, trois prisonniers ont été exécutés dans le Kentucky. La méthode d’exécution actuellement utilisée dans cet État est l’injection létale. En avril 2008, la Cour suprême américaine a confirmé la constitutionnalité de ce procédé – basé sur la combinaison de trois produits – utilisé dans le Kentucky et la plupart des autres États américains où la peine de mort est toujours en vigueur. En novembre 2009, la Cour suprême du Kentucky a de nouveau annulé des exécutions au motif que les autorités n’avaient pas respecté la procédure administrative lors de l’adoption du protocole d’injection létale. L’administration pénitentiaire de cet État a effectué une nouvelle mise en place du protocole en mai 2010. Un juge examine actuellement la question et doit décider si l’injonction faite par la Cour suprême en novembre 2009 a encore lieu d’être.
Amnesty International est catégoriquement opposée à la peine de mort en toutes circonstances, quel que soit le crime commis ou la méthode choisie pour exécuter le condamné. Depuis 1977, les États-Unis ont ôté la vie à 1 224 personnes, dont 36 jusqu’à présent en 2010.