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Pays-Bas

Suspensions des retours forcés en Irak

Netherlands

Les autorités néerlandaises ont annulé le retour forcé de plusieurs Irakiens sur un vol qui devait partir pour Bagdad (Irak) le 3 novembre. Cette mesure fait suite à une lettre pleine de fermeté envoyée aux Pays-Bas par la Cour européenne des droits de l’homme.

La suspension des retours forcés fait suite à une mesure provisoire prise le 22 octobre 2010 par la Cour européenne des droits de l’homme, qui empêche les autorités néerlandaises de renvoyer à Bagdad les Irakiens qui contestent leur retour. La Cour a écrit au gouvernement des Pays-Bas le jour même, en indiquant qu’elle avait rendu une telle décision « au vu du nombre croissant de requêtes au titre de l’article 39 [de son Règlement, qui concerne les mesures provisoires] formulées par des personnes tentant d’empêcher leur retour à Bagdad sur des vols charters affrétés individuellement ou conjointement par des pays européens et de la récente détérioration des conditions de sécurité à Bagdad et dans d’autres gouvernorats ». Elle a ajouté qu’elle avait pris note des craintes persistantes du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) quant à la sécurité des Irakiens renvoyés à Bagdad et dans d’autres provinces d’Irak. La Cour a demandé aux autorités néerlandaises de suspendre les retours forcés de ressortissants irakiens jusqu’à ce qu’elle ait rendu un jugement, qui devrait intervenir d’ici à la fin de l’année. Elle a déclaré qu’il convenait, selon elle, d’appliquer ces mesures à « tout ressortissant irakien contestant son renvoi des Pays-Bas vers Bagdad ».

Le 3 novembre, la Cour a écrit une lettre sévère aux autorités néerlandaises, leur rappelant sa précédente lettre et leur donnant une « indication exceptionnelle », à savoir que le président de la Cour considère qu’« aucun demandeur d’asile dont le dossier a été rejeté ne doit être renvoyé à Bagdad avant le 24 novembre 2010 ». La Cour a rédigé cette seconde lettre après avoir reçu des informations indiquant que 15 à 30 Irakiens risquant d’être renvoyés de force n’avaient pas la possibilité de consulter un avocat ni de saisir la Cour pour demander des mesures provisoires permettant d’empêcher leur expulsion.

Le 2 novembre, à l’issue d’un débat d’urgence, le Parlement néerlandais a voté, à une faible majorité, contre la suspension des expulsions forcées d’Irakiens en attendant le jugement de la Cour européenne des droits de l’homme. Pourtant, le ministre de la Politique d’immigration et d’asile a confirmé que les Pays-Bas se conformeraient à la demande de la Cour. Un nouveau débat d’urgence sur la question des retours forcés doit se tenir au Parlement le 4 novembre au soir.

Amnesty International a appelé les États européens à cesser les retours forcés en Irak, en particulier vers les provinces de Ninawa (Mossoul), Kirkouk, Diyala, Salahuddin et Bagdad, ainsi que vers d’autres régions particulièrement dangereuses, comme certaines parties de la province d’Al Anbar. Les Irakiens de ces régions doivent se voir accorder l’asile ou d’autres formes de protection. Les menaces qui touchent sans discrimination la vie, l’intégrité physique ou la liberté des personnes et résultent d’actes de violence ou d’événements qui troublent gravement l’ordre public dans ces zones sont des motifs valables de protection internationale. Dans le cas des demandeurs d’asile originaires d’autres provinces irakiennes, une évaluation individuelle doit être effectuée afin de déterminer si leur situation leur donne droit à l’asile ou à une protection subsidiaire. Cette évaluation doit également prendre en compte la faisabilité du trajet et la sécurité du moyen de transport utilisé entre Bagdad et la destination envisagée comme lieu de résidence en Irak, et une protection doit être accordée lorsque les personnes concernées risquent réellement d’être persécutées ou gravement maltraitées en route.

Les Pays-Bas, aux côtés du Danemark, de la Suède, de la Norvège et du Royaume-Uni, persistent à soutenir que les conditions de sécurité en Irak sont « suffisantes » pour renvoyer des personnes de force, au mépris des directives contraires clairement émises par le HCR. Amnesty International continue à suivre cette question dans toute la région. L’intervention de la Cour européenne a eu un impact négatif dans cette affaire et, à l’avenir, les actions entreprises par le Réseau Actions urgentes pourraient s’avérer vitales.